Amibes sociales

Mis à jour le 30-Jan-2019

          

 

John Tyler Bonner a découvert la socialité de deux espèces d'amibes acrasiales : Dictyostelium mucoroides et Polysphondylium violaceum (voir Bonner 1983). Elles vivent isolément, se nourrissent de bactéries mais quand la nourriture vient à manquer ou si le milieu devient hostile, elles forment une sorte de limace qui se transforme en une fructification de spores agrégées sur un pédoncule. On a découvert une supercolonie clonale au Texas, dans un pré à vaches, composée de milliards d'individus (Gilbert et al 2009). Mais ces immenses organismes sont très instables et disparaissent très vite dès que les conditions environnementales sont mauvaises.  

   

Dictyostelium discoideum est l'espèce étudiée actuellement par Joan Strassmann et David Queller (Strassmann 2010).

Lors de la phase sociale les amibes se regroupent selon des degrés de parenté, elles se reconnaissent grâce un gène à effet barbe verte (caractère facile à identifier) (Queller et al 2003). Dans la tige porteuse de la fructification se trouvent des cellules condamées à mourir d'apoptose. Elles représentent jusqu'à 25% des cellules. C'est une forme d'altruisme où la parentèle entre individus est maximum avec r = 1. Mais bien sûr certaines amibes ne jouent pas le jeu et vont tricher pour se placer dans la fructification (Strassmann et al 2000, Khare et Shaulsky 2010). Les tricheurs ne peuvent envahir la population car ils ont besoin des non-tricheurs altruistes. En réalité le conflit est souvent limité dans la nature car les souches sont capables de discriminer les apaprentés des non-apparentés et vont s'associer avec les premiers pour éviter la tricherie (Mehdiabadi and al. 2006). Un comportement de fructification semblable existe aussi chez les bactéries Myxococcus avec de la tricherie (Velicer et al. 2000).

On vient de découvrir qu'elles pratiquent une forme primitive d’agriculture. Certaines souches vont économiser les bactéries qu’elles consomment et vont les stocker dans leurs fructifications en vue de dispersion pour le cas où le milieu ne contiendrait pas assez de ces bactéries. Cependant, seules 30% des amibes vont faire ces réserves, on ne sait pas pourquoi (Boomsma 2011; Brillaud 2011; Brock et al. 2011). Ces amibes ont aussi domestiqué une autre souche de bactéries qui les protège contre les champignons infectieux (Etienne 2013).

Voir aussi "Les formes de vie primitives". La tête au carré, France Inter du 28 août 2017. Avec Audrey Dussutour. Réécouter. On y parle du blob, le Physarum polycephalum et de l'amibe sociale Dictyostellium discoideum. Il n'est pas une cellule géante comme le blob, il a juste la taille d’un globule blanc. Mais sa particularité est d'être unicellulaire et pluricellulaire. Il est une colonie de millions de cellules qui coopèrent entre elles et on dit qu’il est « une amibe sociale »

Références

- Bonner, J. T. (1983). Les signaux chimiques des amibes sociales. Pour la Science Juin: p. 60-67.
- Boomsma, J. J. (2011). Evolutionary biology: Farming writ small. Nature 469(7330): 308-309.
- Brillaud, R. (2011). Des organismes primitifs pratiquent l'agriculture ! Science et Vie 1122: p. 13. Pdf
- Brock, D. A., T. E. Douglas, D. C. Queller and J. E. Strassmann (2011). Primitive agriculture in a social amoeba. Nature 469(7330): 393-396.
- Etienne, V. (2013). Pour se protéger, une amibe cultive ses propres pesticides. Science et Vie Octobre: p. 31.
- Gilbert, O. M., D. C. Queller and J. E. Strassmann (2009). Discovery of a large clonal patch of a social amoeba: implications for social evolution. Molecular Ecology 18: 1273-1281.
- Khare, A. and G. Shaulsky (2010). Cheating by Exploitation of Developmental Prestalk Patterning in Dictyostelium discoideum. Plos Genetics 6(2).
- La tête au carré du 28 août 2017 : Ni plante ni animal ni champignon c'est le blob et c'est un organisme primitif .
- Mehdiabadi, N. J. and e. al. (2006). Kin preference in a social microorganism. Nature 442: 881-882.
- Queller, D. C., E. Ponte, S. Bozzaro and J. E. Strassmann (2003). Single-Gene Greenbeard Effects in the Social Amoeba Dictyostelium discoideum. Science 299(5603): 105-106. 10.1126/science.1077742
- Strassmann, J. E. (2010). Dictyostelium, the social amoeba. Encyclopedia of Animal Behavior. M. D. Breed and J. Moore. Oxford, Academic Press. 1: 1-7.
- Strassmann, J. E., Y. Zhu and D. C. Queller (2000). Altruism and social cheating in the social amoeba
Dictyostelium discoideum. Nature 408: 965-967.
- Velicer, G. J., L. Kroos and R. E. Lenski (2000). Developmental cheating in the social bacterium Myxococcus xanthus. Nature 404: 598-601.