Epingle 1126 Pharmakon

par Alain Fraval (février 2020)

Certaines fourmis (Formicinées) aspergent leurs ennemis (ou leurs proies) d’un liquide à base d’acide formique, mortel. La substance de défense,est issue de leur glande à poison, située dorsalement dans l’abdomen et débouchant à l’extrémité du gastre sur le cloaque (acidopore).
Une équipe allemande, sous la houlette de Simon Tragust, vient de montrer que cet aide formique sert également de médicament, en ajustant le pH du tube digestif (normalement neutre) au mieux pour les bactéries utiles de leur microbiote (des Acétobactéracées surtout). Leur travail a porté notamment sur la Fourmi charpentière de Floride Camponotus floridanus.
Les ouvrières, immunisées, s’arrosent d’acide formique juste après le repas ; elles en projettent aussi au moindre dérangement. Durant les heures qui suivent, les fourmis se toilettent plus fréquemment au niveau de l’acidopore et le pH dans la lumière de leur intestin moyen augmente. Alimentées par un sirop contaminé par Serratia marcescens (bactérie pathogène), les ouvrières à l’acidopore bouché encourent un risque de mort accru, de même que celles à qui elles ont donné du régurgitat. L’acidité ainsi acquise filtre les bactéries entrantes, favorisant les Acétobactéracées.
Une infection par des bactéries pathogènes en provenance de l’alimentation d’une ouvrière pourrait être catastrophique pour la colonie où se pratique la trophallaxie – des échanges bouche à bouche de régurgitat. Ce comportement original est à ajouter à la panoplie dont disposent les fourmis pour maintenir la bonne santé de la fourmilière.
Article source (gratuit, en anglais)
Photo : jets d’acide formique par des Fourmis rousses des bois Formica rufa dérangées.